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Entretien avec Philippe MOCELLIN, Directeur Général des Services de la Ville de Perpignan

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15/05/2024
Fiche pratique n° 2208

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Questions à Philippe MOCELLIN, Directeur Général des Services de la Ville de Perpignan

Emploi-collectivités a ouvert une tribune pour les DGS et Services RH afin de leur permettre de s'exprimer sur notre site pour partager leur expérience, leurs réflexions sur la vie des collectivités.

« EMPLOI – COLLECTIVITES » Mai 2023

Quelles relations financières entre l’Etat et nos communes ?

Emploi-Collectivités : Pouvons-nous dire que le sujet de l’autonomie budgétaire des collectivités locales, notamment celles du bloc communal, est au cœur du débat sur la décentralisation ? 

Philippe MOCELLIN : Oui, sans aucun doute. 

Ce sujet concerne de nombreux pays dans le monde, notamment ceux de la zone de l’OCDE, où, dans laquelle, les débats ont très souvent abouti à des questionnements analogues. 

Si le transfert de compétences de l’Etat central vers les autorités locales ne s’est pas, au cours des vingt dernières années, opéré de la même manière au sein de cet espace de coopération économique, la décentralisation a fait en tout état de cause son chemin. 

Celle-ci a favorisé la responsabilisation des administrations, en incitant à l’efficience et a aussi permis aux services publics locaux de mieux répondre aux besoins, au plus près des administrés. 

Décentraliser peut, en revanche, entraîner certaines iniquités entre les territoires et contrarier les équilibres macro-économiques. Au-delà des spécificités nationales, héritage de l’histoire, les mêmes problématiques apparaissent, autour de trois éléments : la notion d’efficacité du service public à rendre, le financement des politiques publiques territoriales par l’adoption d’une fiscalité propre et enfin, l’adéquation entre les objectifs budgétaires des Etats et l’évolution des dépenses des collectivités locales… 

En France, les relations financières entre l’Etat et les collectivités locales font l’objet, depuis des décennies, de toutes les attentions et tout particulièrement depuis le mouvement décentralisateur qui s’est engagé dans les années 1980…

Dès l’acte I de la décentralisation, les principes de l’autonomie financière des collectivités locales ont été posés, en insistant sur la nécessaire articulation entre cette liberté octroyée et le respect intangible du caractère unitaire de l’Etat. 

Après les lois de 1982 et 1983, la révision de notre Constitution, en 2003, a introduit l’article 72-2 qui reconnaît alors, constitutionnellement, l’autonomie budgétaire des administrations décentralisées. 

Malgré l’existence de ces garanties, la controverse est loin d’être close, revenant régulièrement, en fonction des circonstances et de la conjoncture économique, sur le devant de la scène politique. 

Nous oscillons en permanence entre deux tendances contradictoires : d’un côté, la revendication d’une autonomie financière encore plus grande et d’un autre, la tentation d’une recentralisation des finances locales, obéissant à des injonctions de l’Etat à des impératifs budgétaires…

Emploi - Collectivités : Ne faut-il pas, en la matière, tenir compte du poids de la culture administrative à la française… ? 

Ph. M : Incontestablement. 

Nos collectivités locales, recouvrant, selon le niveau d’intervention, la taille démographique, la géographie, la richesse économique, une très grande variété de situations, bénéficient, certes, aujourd’hui de libertés financières mais celles -ci s’exercent dans un système centralisé. 

Si nous allons au bout du raisonnement, l’autonomie financière locale pourrait signifier que les collectivités locales puissent créer un impôt territorial et définir, sur leur propre territoire d’exercice, une politique fiscale particulière et une réglementation. 

Or, il n’en est rien. Les exécutifs locaux n’agissent que dans le cadre des dispositions prévues par notre Constitution et la loi.   

Comme le font remarquer les experts de droit public, la notion d’autonomie financière découle, dans notre pays, du principe de la libre administration et non l’inverse.

Autrement dit, bénéficier d’un budget pour nos collectivités locales, séparé de celui de l’Etat, n’implique pas, pour autant, une totale autonomie… 

Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs validé cette grille de lecture à plusieurs reprises. 

Celui-ci a, par exemple, estimé récemment que la suppression de certaines taxes ne contrevenait pas à la libre administration et à l’autonomie financière des collectivités locales. 

Et même si ces mesures amoindrissent considérablement le levier fiscal des territoires et tout particulièrement, pour les communes enregistrant une fiscalité déjà très élevée, notamment en matière de taxe foncière. 

La Cour des comptes a d’ailleurs recommandé au Gouvernement d’être plus sélectif dans ces baisses discrétionnaires de prélèvements obligatoires, représentant - 2,8 milliards d’euros en 2022 et en 2023 pour la taxe d’habitation sur les résidences principales et - 4 milliards d’euros en 2023 pour la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ! 

Plus encore, notre droit constitutionnel n’exige pas que la perte d’une recette fiscale soit intégralement compensée par une autre allocation de ressources équivalente… 

Le débat qui s’est récemment engagé autour de la clé de répartition de la fraction de TVA, seconde part de compensation de la CVAE, témoigne de l’âpreté d’un sujet sans fin…

En effet, c’est bien l’article 72-2 de notre Constitution qui fixe les bornes de cette autonomie financière locale. 

Les collectivités locales peuvent ainsi procéder à des dépenses dans la limite de l’équilibre du budget. Elles déterminent aussi, selon la législation en vigueur, le taux et les éléments de l’assiette des impositions qui leur sont affectées. 

Enfin, il est précisé en théorie, et c’est le plus important, que les ressources fiscales propres des collectivités locales devraient représenter la part essentielle ou dit « déterminante » de celles-ci ! 

Il est également indiqué qu’un lien doit être alors établi entre l’attribution d’une compétence et le transfert d’une ressource. Et que par ailleurs, des instruments de péréquation sont nécessaires afin d’éviter de trop grandes disparités. 

Ne pas oublier par ailleurs que les budgets locaux sont également soumis au contrôle de légalité a postériori, pouvant aller jusqu’à l’annulation d’un budget, si insincère et, dans certains cas, à une mise sous tutelle préfectorale de la collectivité locale… 

A ce contrôle s’ajoute celui de la régularité budgétaire, par l’intermédiaire des chambres régionales des comptes, conduits à produire des avis sur les actes de gestion et l’évaluation des résultats par rapport aux moyens mobilisés. 

Sans oublier le contrôle du comptable public sur les opérations financières décidées par les ordonnateurs publics locaux

Plus subtilement, pour toute collectivité locale, l’autonomie budgétaire supposerait une réelle capacité à impulser des politiques volontaristes, en dehors du seul champ des dépenses obligatoires. 

La réalité est pourtant toute autre… !

Les collectivités locales dépendent aujourd’hui très fortement des transferts financiers de l’Etat, de plus de 105 milliards d’euros en 2022 : d’une part, au travers, parmi d’autres ressources, du concours de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et, d’autre part, de subventions d’investissement de plus en plus ciblées, accordées par les ministères, notamment dans le domaine de la transition écologique. 

Cette dépendance vis-à-vis du produit fiscal national et des appels à projets nationaux, au détriment des recettes fiscales locales, engendre alors, pour nos concitoyens, un découplage très dommageable entre la contribution au financement des politiques publiques locales et le service effectivement rendu à tous les usagers. 

Il est à souligner, a contrario, comble du paradoxe, que l’augmentation récente des bases locatives, voulue par le Gouvernement, risque fortement d’être considérée, par les contribuables concernés par la taxe foncière - les propriétaires en l’occurrence -, comme relevant de la seule décision des élus locaux et des maires en particulier ! 

Emploi-Collectivités : Au-delà de tous ces contrôles, les collectivités locales sont aussi appelées à participer au redressement des comptes publics… 

Ph. M : C’est en effet un autre aspect de la dépendance financière, résultant, d’ailleurs, d’une disposition spécifique prévue par le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. 

Le droit européen nous contraint à globaliser l’approche des finances publiques, agrégeant alors, les budgets de l’Etat, les budgets sociaux et ceux des autorités décentralisées. 

L’article 47-2 de notre Constitution confirme cette orientation, en se référant, globalement, aux comptes des administrations publiques. 

Les lois de programmation des finances publiques privilégient également la consolidation des différents périmètres financiers et ce, jusqu’à la contractualisation entre l’Etat et les collectivités locales.  

C’est ainsi que la loi de 2018 a inventé les « contrats de cahors », impliquant les collectivités locales dans la « réduction des dépenses publiques et du déficit public ». 

Ces dispositifs contractuels n’ont pas été jugées en contradiction avec l’esprit de la Constitution, parce que considérées comme le fruit d’une négociation et donc susceptibles d’être modifiées dans le temps. 

Et pourtant ! - constat oblige - les collectivités locales ne sont pourtant aucunement responsables des déficits des comptes de l’Etat français ! 

La dette des collectivités dans notre pays ne représente que 8,7% de l’endettement public.

Celles-ci, ont l’obligation, contrairement à l’Etat qui s’endette pour faire face à ses propres dépenses de fonctionnement, de voter leur budget en équilibre et de n’emprunter que pour investir !

Pour rappel, les institutions territoriales couvrent aujourd’hui 70% du total de l’investissement public… 

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Emploi-Collectivités : En dépit des contestations des associations d’élus, le Gouvernement a présenté, à la fin du mois d’avril dernier, un programme de stabilité 2023-2027, qui impose une réduction des dépenses publiques, en incluant, en effet, celles des collectivités locales… 

Ph. M : Oui, selon la formule journalistique, il s’agirait alors de se diriger vers « un nouveau tour de vis » pour les collectivités locales. 

Ce plan de stabilité détermine d’abord un horizon de réduction des dépenses publiques, des déficits et de la dette, en mettant fin au « quoi qu’il en coûte », auquel s’ajoute l’arrêt progressif du « bouclier tarifaire » visant à limiter les conséquences d’une l’inflation ruineuse et des hausses du prix de l’énergie, sur fond de guerre russo-ukrainienne. 

Il prépare surtout les esprits quant à l’adoption, pour l’été prochain, d’une nouvelle loi de programmation des finances publiques, répondant à la demande des autorités européennes. 

Sans cet effort, la France se retrouverait dans le tiercé de tête des pays européens les plus endettés et connaîtrait alors des difficultés pour encaisser les fonds communautaires attendus…

Maastricht est donc de retour, avec sa barre indépassable à 3 % de déficit public !

Selon les déclarations du Ministre de l’Economie, l’objectif visé pour notre pays est un déficit public - atteignant aujourd’hui 165 milliards d’euros - qu’il conviendrait de porter, en 2027, à 2,7 % et une dette - culminant à ce jour à 3 000 milliards d’euros - à 108,3 % du PIB. 

Ce qui implique alors, selon le « logiciel » financier européen, un ralentissement des dépenses de l’Etat mais aussi celles des collectivités locales.

Celles-ci seraient donc à nouveau sollicitées par le biais d’un mécanisme de limitation de l’évolution de leurs dépenses réelles de fonctionnement, soit un plafonnement à un rythme inférieur de 0,5 point du taux d’inflation, faisant directement écho à la trajectoire déjà envisagée dans le projet de loi de programmation des finances publiques tel que présenté en 2022 et finalement abandonné ! 

On y revient ! 

Reste à savoir quel type de dépenses fera effectivement partie de cette surveillance financière accrue et surtout, de quelle manière ce « refroidissement » sera imposé aux collectivités locales….

 Si la Première Ministre dit avoir renoncé aux « contrats de confiance », nouvelle version des contrats précédents et intégrés, à l’origine, dans la loi de finances 2023, la prudence est de mise. 

Il est à noter que l’encadrement des finances locales est une recommandation explicite du dernier rapport annuel de la Cour des comptes, qui précise d’ailleurs, par la voix de son président que le « bloc communal peut participer au redressement des comptes publics car c’est le plus dynamique en termes de de dépenses de fonctionnement ». 

Aussi clair qu’inquiétant ! 

Et que par ailleurs, le Gouvernement, grâce à un artifice de procédure parlementaire, a empêché le vote de l’indexation de la DGF sur l’inflation - que l’on dit d’ailleurs absorbable, d’ici l’automne, selon les annonces officielles… -.

Le retour à cette indexation constituait pourtant une mesure parfaitement justifiée et alors que les collectivités locales font face à une crise énergétique très couteuse et ont, dans le même temps, l’obligation de maintenir un certain niveau d’investissement, porteur d’emplois et de croissance pour tous nos territoires. 

J’ajoute, sur un tout autre plan, que les négociations salariales en cours, menées par l’Etat, avec les organisations syndicales, pourraient aboutir à une nouvelle revalorisation de la valeur du point d’indice des fonctionnaires, à hauteur de celle obtenue en 2022. 

Aussi légitime que soit cette revendication, face à un pouvoir d’achat en berne et à l’écrasement de la grille des salaires de la fonction publique, la mesure, si arrêtée, sera alors appliquée unilatéralement, sans aucune compensation financière pour nos communes. 

Emploi-Collectivités : Ces nouveaux efforts demandés aux collectivités locales ne vont-ils pas en effet réduire encore les marges de manœuvre des exécutifs locaux, ceux de nos communes tout spécialement… ?

Ph. M : Je le crains fortement, en soulignant cependant qu’il va bien falloir choisir, parce que précisément tous confrontés à ce contexte très contraint, entre une approche purement comptable et celle clairement orientée vers des investissements d’avenir - alliés, du reste, à l’innovation technologique - concernant, par exemple, les programmes environnementaux, les économies d’énergie ou encore la mobilité durable…

La sécheresse qui frappe aujourd’hui le département des Pyrénées Orientales nous rappelle cette nécessité absolue d’anticipation et dans le cas d’espèce, au bénéfice d’investissements de moyen terme, privilégiant, notamment, une gestion plus raisonnée de la ressource en eau, la réutilisation des eaux usées et des nouveaux modes de stockage…

En attendant, au regard d’une inflation qui persiste, le « panier du Maire » a enregistré, en 2022, une hausse de plus de 7%, effet direct de l’augmentation, sans précédent, de l’énergie, des matières premières et des denrées alimentaires. 

Dans cette conjoncture, l’idée d’une nouvelle forme d’encadrement des dépenses de fonctionnement des collectivités locales demeure très discutable, portant, de surcroît, un coup sévère à la libre administration de nos administrations territoriales. 

Nous l’avons souligné, les comptes des collectivités locales sont nécessairement, de par la loi, équilibrés et leur dette fait l’objet, d’un suivi particulier afin d’en garantir, malgré les hausses actuelles des taux d’intérêt, une complète maîtrise. 

Nos communes ne pourront pas, en tout état de cause, face aux attentes croissantes des populations et aux défis multiples qui s’imposent à tous, assumer de nouvelles obligations financières inconsidérées et, de fait, inatteignables, au risque de dégrader la qualité des services publics.

Et puis, lesquels devront alors être alors sacrifiés ? Quels critères utilisera Bercy pour déterminer, à la place des maires, ce qui sera considéré comme une dépense opportune et celle qui ne le sera pas ? 

Il ne faudrait pas non plus, du fait du volume des dépenses de fonctionnement obligatoire et incompressible, que l’investissement, comme indiqué, soit sacrifié sur l’autel de l’orthodoxie budgétaire. 

Dans cette relation avec l’Etat, toute forme de suspicion et de condescendance doit être bannie. 

Toute attitude de cette nature serait aussi insupportable que méprisante, à l’égard d’élus locaux et des maires plus spécifiquement, qui s’échinent à maintenir, au prix d’efforts incessants, les deniers services publics de proximité dont nos concitoyens ont tant besoin. 

Une évidence s’impose : les marges de manœuvre des communes se réduisent du fait même de ces fortes contraintes budgétaires qui entament les moyens consacrés à l’investissement et d’un environnement, construit autour de normes bureaucratiques de plus en plus nombreuses et quelque peu décourageant pour toutes celles et tous ceux qui veulent innover et agir ! 

Emploi-Collectivités : Qu’en est-il, dans ce climat très incertain, de la situation budgétaire de la Ville de Perpignan ? 

Ph. M : Dans ce climat que nous pouvons juger « calamiteux », notre ville, comme bien d’autres villes moyennes ou collectivités du bloc communal de même strate et parce qu’assumant, au sein de la Communauté Urbaine de Perpignan Méditerranée Métropole, d’importantes charges de centralité, n’est pas épargnée par l’accélération de ses dépenses de fonctionnement, résultat d’augmentations subies, jamais vues depuis 15 ans, qui affectent, notamment, les postes d’entretien et de réparation ainsi que les coûts de la construction et des travaux publics. 

Dépenses auxquelles s’ajoutent les frais de personnel, appelés à progresser mécaniquement, conséquence directe de dispositions réglementaires, mêmes si justifiées, décidées par l’Etat central. 

Je n’insiste pas non plus sur les désengagements de l’Etat, se déchargeant, année après année, sur les communes. 

Notre ville ne ménage pas ses efforts en matière de sécurité publique ou encore dans le domaine environnemental, de l’accompagnement social des populations les plus fragiles et sans occulter sa forte implication dans la gestion récente de la crise sanitaire, au travers des moyens alloués pour le dépistage et la vaccination. 

Le budget 2023, d’un montant total de plus de 363 millions d’euros, a prévu, en tout état de cause, la mise en œuvre d’un ensemble de mesures concrètes visant à faire baisser, dans un souci de sobriété, notre facture énergétique. 

Notre collectivité a arrêté un plan d’investissement ambitieux de moyen terme, à l’instar de la pose de panneaux solaires sur nos bâtiments communaux, du remplacement progressif d’une partie notre flotte de véhicules thermiques et de la modernisation de notre éclairage public par un passage programmé en LED. 

Pour les 4 prochaines années, il est prévu, grâce à l’équipement de 5 000 luminaires, de réduire la consommation électrique de 65%. 

Il a été également mis en place un contrat de gestion de la performance énergétique de nos équipements publics, permettant un suivi renforcé de nos consommations d’eau, d’électricité et de température dans nos bureaux et qui impliquera, de fait, des changements de comportement.  

N’en déplaise aux esprits chagrins et à tous les donneurs de leçons en matière de gestion publique, Monsieur le maire de Perpignan assume, dans ce contexte très défavorable, des choix très courageux.

Entre maîtrise de la masse salariale et besoin de recrutements ciblés, dans des domaines prioritaires, il s’agit de garantir l’efficacité et la qualité de nos services de proximité, de renforcer, par ailleurs, la présence quotidienne de nos policiers municipaux dans nos quartiers et de répondre, dans les meilleures conditions, aux attentes légitimes des perpignanais, en lien direct avec les orientations politiques du plan de mandat. 

J’ajoute que la loi 3 DS a permis à notre commune, classée « tourisme », d’exercer une compétence en ce domaine, par l’intermédiaire de la création, depuis le 1er janvier 2023, d’un EPIC Office de Tourisme. 

L’exécutif municipal a décidé, dans le même temps, au nom de la défense du pouvoir d’achat, de réhausser le régime indemnitaire des agents municipaux et d’adhérer au dispositif des titres restaurants A également consolidé la politique d’intégration des apprentis, engagée depuis 2020 ainsi que les efforts entrepris au bénéfice de la formation de nos agents. 

De cette situation en découle alors deux orientations essentielles.

En premier lieu, la prospective budgétaire, telle qu’élaborée en tout début de mandat, fait l’objet, en toute transparence, d’importants correctifs, intégrant les contraintes de cet environnement économique troublé ainsi que la nouvelle trajectoire de dépenses imposée par les circonstances. 

En second lieu, le travail d’optimisation de nos ressources humaines et de refonte de notre organisation administrative se poursuit, en réinterrogeant nos méthodes de management et nos modes de gestion. 

L’objectif : redonner, au travers de périmètres d’action calibrés, du sens à la mission de chacun, source de motivation et d’engagement. 

Sur un plan strictement budgétaire, à la lumière de l’estimation de la progression de nos dépenses de fonctionnement et de l’évolution possible de nos recettes réelles, nous avons pu provisionner un autofinancement net de 15 millions d’euros. 

En dégageant cette marge de manœuvre et sans aucune augmentation des taux de fiscalité, notre ville aura donc la possibilité d’investir, en 2023, 57 millions d’euros, en faveur de la réalisation d’aménagements structurants, concourant à son rayonnement, que ce soit dans les domaines culturels, sportifs ou touristiques, générateurs d’emplois et de créations de richesses.

Notre délai moyen de remboursement du stock de dette est de 6 ans, contre 12 ans selon la norme imposée par l’Etat. 

Au-delà des chiffres, la conduite de nos projets pour la seconde partie de la mandature sera sécurisée, en se dotant de priorités partagées, qui tiendront compte, tout à la fois, de nos contraintes budgétaires et de leur faisabilité technique…

Il apparaît, en effet, opportun à mi-mandat, d’appréhender, au travers d’un examen sans concession et au regard de la situation du moment, la soutenabilité financière de nos projections budgétaires 2023 – 2026.

En clair, concilier volontarisme politique, réalisme budgétaire et maintien des grands équilibres financiers, à savoir entre la nécessité de contenir nos dépenses courantes et celle de dégager une réelle capacité d’investissement, en faveur du développement de notre ville. 

Nos relations financières avec la Communauté Urbaine feront aussi l’objet d’une attention très sérieuse, au moment où se négocie un nouveau pacte financier. 

Emploi-Collectivités : Au regard des enjeux, ne faudrait-il pas envisager la refondation de la gouvernance entre l’Etat et les territoires ? 

Ph. M : Sans vraiment avoir aucunement la prétention de préconiser un nouvel acte de décentralisation, il s’avère indispensable, comme indiqué d’ailleurs par la Cour des comptes, déplorant la « déterritorialisation progressive » des ressources fiscales, « de redéfinir les modes de financement des collectivités locales » - le bloc local étant tout particulièrement concerné -.

Bien au-delà de la « revue annoncée des dépenses publiques » par l’Etat, il serait judicieux de passer aussi en revue les dépenses effectivement transférées à ce jour aux collectivités locales et d’imaginer, au regard des conséquences constatées sur les budgets locaux, de nouveaux modèles financiers. 

Vouloir refonder plus particulièrement les relations entre l’Etat et le bloc communal, suppose - c’est une condition préalable - d’accepter d’engager des négociations franches, reconnaissant la place spécifique de toutes nos communes, indépendamment des réalités territoriales et historiques auxquelles elles renvoient.  

Reconnaître en effet le rôle incontournable de celles-ci dans la vie démocratique et dans l’exercice de missions de service public de proximité. 

Dans cet esprit, une réforme en profondeur des systèmes fiscaux locaux s’impose afin de doter nos communes, dans le cadre d’une autonomie financière pleinement acceptée, de véritables leviers d’action.  

A cet égard le principe défendu par l’AMF sonne assez juste : « qui paie commande et qui commande, paie… » ? 

Plutôt que de s’arcbouter, par tous les moyens, à encadrer les initiatives communales, redonnons à tous les maires, au nom de la recherche de l’efficience et de la performance, une capacité à agir et à décider. 

L’idée d’une fiscalité dédiée, pour chaque niveau de collectivité, demeure pertinente et pourrait constituer un vrai chantier de réflexion pour les années à venir. 

Pour les communes et les intercommunalités, l’impôt, en lien avec la domiciliation, serait évidemment le plus adapté. 

En parallèle, il est aussi nécessaire, dans un souci d’équité entre les communes, de garantir, dans la durée, l’affectation des dotations de subventions. 

La décentralisation doit rimer avec responsabilité et ne pas évoluer au gré de « tutelles » déguisées, entretenues au travers de toutes ces polémiques stériles sur le calcul de transferts de charges, jamais compensées à la hauteur des enjeux et des besoins… 

Comment alors ne pas en appeler à un nouveau « choc de simplification », tant l’enchevêtrement des lois et des réglementations rende notre paysage institutionnel inextricable ? 

Le débat sur l’empilement des entités administratives locales n’est pas achevé… 

Nos maires ne veulent pas plus de pouvoir mais exercer, dans la clarté et avec les moyens qui conviennent, la plénitude de leur mandat, qui ressemble de plus en plus à un sacerdoce…

Philippe MOCELLIN, Docteur en Science Politique, est, depuis février 2021, Directeur Général des Services de la Ville de Perpignan. Témoignant à la fois d’une longue expérience professionnelle et d’une activité universitaire, il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le monde des collectivités locales. S’est intéressé tout particulièrement aux méthodes de prospective territoriale et au fonctionnement de la démocratie locale. Par ailleurs, a co-écrit, en 2020, avec Philippe MOTTET, Maire honoraire de la Ville d’Angoulême, un essai intitulé, « Le monde des possibles : comment réconcilier les peuples avec la mondialisation ? chez VA Editions. Vient aussi de publier, en juin 2022, aux éditions ELLIPSES, une « Introduction à la sociologie (auteurs - courants - méthodes - grands thèmes) » dont notre site a fait écho le 9 juillet dernier (n°2113 / 2120).

Liens utiles :

Le monde des possibles-ouvrage de Ph.Mocellin
Introduction à la sociologie-ouvrage de Ph.Mocellin

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